Henri Evenepoel
(Nice 1872 - Paris 1899)
Blanche-Neige
Graphite sur papier
Au dos, cachet de la collection De Mey, cachet h.e. et le numéro 731 à l'encre.
Circa 1890
190 x 255 mm
Biographie
Peintre, dessinateur et graveur, Henri Evenepoel est né en France de parents belges. Orphelin de sa mère à l’âge de deux ans, il bénéficiera de toute l’aisance d’une vie bourgeoise grâce au poste de haut fonctionnaire occupé par son père. Il évolue et grandit donc dans un univers familial strict mais favorable à l’apprentissage des arts et de la musique ; son grand-père est grand amateur d’art, son oncle est sculpteur et son père est un musicologue averti, rédacteur pour le Guide musical.
Le jeune Evenepoel reçoit une formation d’abord à l’École des Arts du Dessin des Saint-Josse-ten-Noode, puis à l’Académie de Bruxelles, ainsi que dans les ateliers privés d’Ernest Blanc-Garin et du peintre-décorateur et ornemaniste Adolphe Crespin. Sur les conseils de ce dernier et avec l’approbation de son père, qui lui préfère la voie plus lucrative de peintre-décorateur que d’artiste, Evenepoel poursuit sa formation à Paris. Il entre, en 1892, à l’École des Beaux-Arts dans la classe d’art décoratif de Victor Galland et, à la mort de son maître survenue un an plus tard, il devient élève dans l’atelier privé de Gustave Moreau. En maître éclairé, Moreau sait déceler et épanouir en ses élèves les dons particuliers de chacun, au lieu d’imposer une esthétique sclérosante, dogme de l’Académie.
Dans la capitale française, Evenepoel copie d’abord au Louvre Rembrandt et Botticelli, mais dès 1893, il croque sur le vif le spectacle de la vie parisienne et l’animation des rues. La diversité des types populaires le fascine, parfois jusqu’au naturalisme comme dans Le noyé du Pont des Arts (1895).
Evenepoel s’intéresse aux arts graphiques de son temps, apprécie Steinlen, Chéret, Forain, Willette, Grasset. Lui-même s’essaie à la lithographie et à l’eau-forte.
Le Caveau du Soleil d’Or (1896) est un tableau d’atmosphère où les tons acides enlèvent sur un fond aux valeurs assourdies l’arabesque des personnages dont le caractère doit son acuité à Toulouse-Lautrec. Dans L’Homme en rouge. Portrait du peintre Paul Baignères (1894), la mise en page et la linéarité japonisante se réfèrent à Manet, dont il a admiré l’exposition, la même année, chez Durand-Ruel. Mais Evenepoel met là au point son thème de prédilection, le portrait, dans lequel il peut user de ses dons d’observateur et la finesse de sa perception psychologique. Les portraits de sa cousine Louise – amour de sa courte vie et mère de son fils Charles – et des trois enfants de celle-ci, sont parmi les meilleurs de l’artiste. Surtout, il sait rendre à la fois la grâce et le sérieux de l’enfance, comme dans La Dînette (1897).
Un autre chef-d’œuvre d’Evenepoel qui marque l’année 1897 est La Dame au chapeau vert, œuvre d’une notation psychologique délicate soutenue par la subtilité des demi-teintes. A la même époque, Le Marchand de volailles étonne par la synthèse des formes, l’utilisation de tons et de valeurs rapprochées concourant à amener l’ensemble des plans à la surface du tableau. Il rejoint là les préoccupations des nabis, principalement de Vuillard et Vallotton, font il avait vu les œuvres, notamment au Salon des Indépendants en 1893. D’autre part, il est préoccupé par la restitution d’une lumière diffuse dans un intérieur nocturne ainsi que par le rendu des reflets, comme dans Le Café d’Harcourt au quartier Latin (1897).
Envoyé en Algérie pendant l’hiver 1897-1898, à la fois à cause de sa santé fragile et pour l’éloigner de sa cousine, Evenepoel est confronté à une lumière inconnue, intense, difficile à rendre sans nuire à la forme. Une série de Marché d’oranges à Blidah montre le passage d’une touche impressionniste à une conception totalement synthétique, fonctionnant par aplats. Le recours au Pocket Kodak, qui souvent remplace les croquis pris sur le vif, l’aide à maîtriser la lumière au profit d’une simplification de l’espace et des accords chromatiques. Par cette voie simplificatrice, il annonce le fauvisme. Evenepoel s’y engage probablement davantage grâce à la stimulation qu’exerce chez lui la modernité de l’œuvre de Lautrec et la convergence des solutions adoptées par les nabis, que par le compagnonnage de Matisse avec qui il peint sur le motif en 1896, mais qu’il qualifie en 1898, après que Matisse ait opté pour un néo-impressionnisme large et saturé, d’« impressionniste épileptique et fou ».
De retour à Paris, les derniers portraits sont toujours marqués par une grande économie de moyens et présentent une sûreté de composition sans égal, dont un des plus beaux exemples est Charles au jersey rayé. Par ailleurs, de grandes compositions voient le jour, synthèse des études antérieures, comme Promenade du dimanche à Saint-Cloud. Une certaine notoriété s’installe ; à l’issue du salon de Gand, il a la joie de voir entrer L’Espagnol à Paris. Portrait de Francisco Iturrino (1899) au musée des Beaux-Arts de la ville.
Henri Evenepoel disparaît peu de temps après, emporté par la fièvre typhoïde, alors que son œuvre, d’une qualité déjà très constante, avait à la fois intégré la problématique picturale de son époque et en avait devancé une étape ultérieure. Fidèles des Salons du Champs de Mars depuis 1895, puis exposé notamment au Cercle Royal Artistique et Littéraire de Bruxelles et à la Sécession de Munich, il était sur le point de participer en 1900 au Salon de la Libre Esthétique et à l’Exposition universelle de Paris.
Références :
- Astrid Mattart, « Henri Evenepoel», in Éliane De Wilde (préface), Le dictionnaire des peintres belges du XIVe siècle à nos jours depuis les premiers maîtres des anciens Pays-Bas méridionaux et de la Principauté de Liège jusqu'aux artistes contemporains, t. 1, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, pp. 423-424.
- Paul Piron, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècle, t. 1, Ohain, Art in Belgium, 2003, p. 554.