Constantin Meunier
(Bruxelles 1831 - 1905)
Paysanne
Huile sur toile
Signature en bas à gauche : C. Meunier
Circa 1880
40 x 32,5 cm
Œuvres
Biographie
Constantin Meunier est un peintre, graveur et sculpteur belge né à Bruxelles dans la commune d’Etterbeek le 12 avril 1831. Il est élève de son frère aîné, Jean-Baptiste Meunier. Il passe neuf ans à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Il suit d’abord l’enseignement du sculpteur Louis Jéhotte. Parallèlement à cela, il fréquente l’atelier privé du sculpteur Charles-Auguste Fraikin pendant près de trois ans. Constantin Meunier passe ensuite neuf années à l'Académie royale des beaux-arts de Bruxelles. Il se concentre davantage sur la peinture et, en 1854, il devient l’élève de François-Joseph Navez. Les cours ont lieu le soir pendant trois heures, de septembre à avril, ce qui laisse aux élèves tout le temps nécessaire pour fréquenter les ateliers privés ou s’adonner à d’autres activités. Il suit également des cours à l’atelier libre de Saint-Luc avec Charles De Groux, Louis Artan, Alfred Verwée, Louis Dubois (futurs fondateurs de la Société libre des Beaux-Arts en 1868). Constantin Meunier se lie à l’avant-garde réaliste tout en cherchant sa propre voie en peinture. Celle-ci se caractérise très vite par l’intérêt porté à l’homme, son quotidien, sa condition sociale, son travail.
« Sous l’influence des paysagistes français, de grands artistes comme Louis Dubois, Artan, de Braekeleer, Boulenger, retrouvaient la belle tradition des Pays-Bas. C’étaient des esprits enthousiastes et libres, intéressants dans leurs erreurs mêmes. Je vivais parmi eux, leur exemple m’attira. Je crus m’être trompé de vocation, et ce n’est que beaucoup plus tard, quand j’entrevis la grandeur plastique de l’ouvrier industriel que je revins à l’ébauchoir. »
Entre 1857 et 1875, Meunier séjourne régulièrement dans le couvent des Pères Trappistes à Westmalle et réalise de nombreux dessins et peintures sobres comme L’enterrement d’un Trappiste. Il présente ses œuvres aux salons belges et parisiens. Vers 1870, il crée aussi des tableaux historiques, des portraits et des tableaux de genre, choisissant des sujets relativement contemporains puisés dans le passé récent de la Flandre comme Épisode de la guerre des paysans évoquant les événements de 1789 ou de la révolution de 1830. En 1876, Constantin Meunier adhère à la Société d’aquafortistes fondée par Félicien Rops qui s’oppose aux mouvements académiques. Il le fait probablement par amitié pour Rops dont il admire le talent et dont il aime le caractère. Le 19 avril 1862, Constantin Meunier, alors âgé de trente et un ans, se marie avec Marie Victorine Léocadie Gorneaux. Ensemble, ils ont cinq enfants : Paul, décédé à l’âge d’un mois, Charles, Charlotte, Georges et Jeanne. Leurs deux derniers garçons disparaissent la même année à l’âge de trente et vingt-quatre ans. Marié, père de plusieurs enfants, la situation matérielle de l’artiste est difficile. Il multiplie les peintures religieuses, souvent objets de commandes, quelques sujets de genre et des peintures d’histoire dans lesquelles il illustre son intérêt pour le peuple, pour les plus miséreux. Pendant toutes ces années, il continue régulièrement à participer aux différentes expositions triennales à Anvers, Gand et Bruxelles. Il adhère aussi à un mouvement d’avant-garde : la Société libre des Beaux-Arts. Le groupe insiste sur le mot libre : libre d’exposer, libre de peindre ce qu’ils voient, ce qu’ils vivent.
En 1878, il voyage à travers les corons du Borinage avec Xavier Mellery, Félicien Rops et Camille Lemonnier. Il découvre les fonderies et les laminoirs de Régissa près de Huy. En 1879, il visite les usines Cockerill à Seraing et les verreries du Val-Saint-Lambert. Ce voyage au cœur de la région minière et du monde ouvrier marque Meunier pour toute son œuvre future, que ce soit en peinture ou en sculpture. « […] Ce fut pour le solitaire, ce contemplatif artiste, la grande secousse qui tout à coup lui tordit les vertèbres sur le Sinaï de la découverte, un Sinaï qui au lieu de crever le ciel en hauteur, fouillait, à des profondeurs de vertiges, les abîmes sous-terrestres. » Dans ce domaine, il est aussi influencé par l’œuvre sociale de son ami Henry De Groux. Dès 1880, il expose ses premières œuvres inspirées de ce monde industriel. Parmi celles-ci, La coulée à Ougrée est une peinture connue dans diverses publications sur l’histoire de la métallurgie et de l’archéologie industrielle. Les uns y voyant la glorification du travail ; les autres les affres de l’industrialisation quand ce n’est pas l’aliénation du monde ouvrier. Toujours à la recherche de moyens plus substantiels que la vente précaire des ses tableaux, Constantin Meunier pose sa candidature appuyée par Jean Rousseau, alors inspecteur des Beaux-Arts au ministère de l’Intérieur, pour aller copier à Séville la Descente de Croix du peintre flamand Pedro Campana en 1882-1883. Il y peint également des tableaux issus de son environnement et du travail journalier dans des couleurs chaudes et vives. Il s’inspire par exemple d’une fabrique de cigares à Séville pour réaliser le tableau La fabrique de tabacs à Séville qu’il présente au salon de Bruxelles de 1884 en même temps que la première version de L’enlèvement d’un creuset brisé, chefs-d’œuvre de la peinture industrielle. Revenu de son long voyage avec l’espoir que ces nouveaux sujets trouveront enfin acquéreurs, il se retrouve vite confronté à ses problèmes financiers. Il acquiert toutefois une grande liberté plastique et s’affirme comme le grand peintre et sculpteur du réalisme social belge.
A partir de 1885, il s’attèle à nouveau à la sculpture. Il présente ses premières sculptures au Salon des XX. C’est toujours en 1885 que le Parti ouvrier belge se crée ; il réunit plusieurs groupes proches des socialistes, libertaires, réformistes et membres de coopératives. Le sort de l’ouvrier est d’actualité, ce qui favorise l’éclosion de la gloire de Constantin Meunier, sculpteur qui magnifie la représentation de l’ouvrier. Cette « renommée » soudaine, il la doit aussi à ses véritables amis qui l’aident beaucoup dans son cheminement : « Quant à moi je me dois de vous dire que je n’oublierai jamais l’appui moral que j’ai trouvé en vous dans ma lutte pour l’art et pour la vie, pour moi vous combattiez, je vous mets donc la moitié et ce n’est que juste dans ce succès, maintenant que la fortune veuille bien me sourire un peu, je me sens des forces nouvelles et en avant pour l’art tout pour l’art. » Dès 1886, il présente une œuvre majeure à Paris : Le marteleur. Son œuvre ne représente pas une critique des malaises sociaux mais plutôt un éloge du travail. Dans un premier temps, les acheteurs sont quelque peu réticents à ces images puissantes et réalistes. Elles sont finalement bien accueillies par le public. Cette seconde vie qui s’ouvre à lui, consacrée à une sculpture novatrice, ne l’empêche pas de continuer à peindre et à dessiner. Pour lui, toutes les disciplines forment un tout, les unes servant aux autres. Pourtant, tout cela ne procure toujours pas un revenu suffisant qui lui permettrait d’avoir un esprit libre. Faisant preuve d’une grande ténacité, Constantin Meunier continue de travailler comme il le fait depuis 1876. Il postule à l’Académie des Beaux-Arts de Louvain et ce n’est qu’en 1887 que Meunier est enfin nommé professeur de peinture.
1894 est une année noire pour les Meunier, Constantin et Léocardie perdent leurs deux fils Charles et Georges. Une douleur immense s’empare du couple, Constantin reste de longs jours en contemplation muette : « Après la mort de ses deux fils, il était dans un état de stupeur, ses pensées vagabondaient. C’est sa femme qui lui mit un peu de terre dans les mains et le poussa à travailler. » Peu de temps après ces événements, la famille rentre à Bruxelles. Alors âgé de 64 ans, il garde son poste à Louvain pendant deux années encore puisque ce n’est qu’en juin 1897 qu’il adresse sa lettre de démission pour des raisons majeures et de santé. Réinstallés à Schaerbeek rue Albert de la Tour, Constantin Meunier a un atelier suffisamment vaste pour travailler à ses œuvres monumentales. La saison des expositions s’ouvre comme chaque année par le Salon de La Libre Esthétique. Pour ses 65 ans, les amis de Meunier organisent le 11 avril un grand ragout dans le nouvel atelier de Van der Stappen avec 400 invités. Au nom de tous, Arthur Craco lui offre une selle de sculpteur ainsi qu’un album en cuir repoussé portant une dédicace « Au maître Constantin Meunier, ses admirateurs et ses amis. » Parmi toutes les personnes présentes lors de cet hommage, il faut citer Van der Stappen et tant d’autres artistes : Alfred Delaunois, Henry de Groux, Isidore Verheyen, Xavier Mellery, Paul Dubois, Victor Horta, George Morren, Edmond Picard, Octave Maus, Émile Verhaeren, Eugène Ysaye, Camille Lemonnier et bien d’autres encore.
En 1897, il voyage à Dresde avec Henri Van De Velde pour l’exposition internationale des Beaux-Arts. Une salle entière est consacrée au sculpteur belge, on peut y admirer entre autres : l’Homme qui boit, le Christ aux outrages, un Pêcheur ostendais, le Cheval de mine, la Femme du peuple, Anvers, le Vieux mineur, etc. Les années continuent à ses succéder au rythme des expositions. Durant les dernières années de sa vie, il exécute les sculptures destinées au Monument au Travail (projet érigé à Laeken après sa mort). Dans toutes ses œuvres exposées tant en Belgique qu’à Paris durant les cinq dernières années, il représente les Mineurs tant en dessin ou peinture qu’en sculpture. Des toiles comme Pays noir, Le retour des mineurs ou Triptyque de la mine comptent parmi ses plus belles œuvres et affirment son importance dans l’histoire de l’art du 19e siècle. Vers le milieu du mois de mars 1905, Constantin Meunier souffre d’une violente crise cardiaque. Huit jours plus tard, l’artiste se remet au travail. Il s’éteint le 4 avril 1905 sur le chemin de son atelier. Il est alors âgé de 73 ans. « Verheyden fut le premier à trouver Meunier mort à l’aube au moment où il allait se mettre au travail. » L’amour du travail caractérise toute la vie de Constantin Meunier : « Je lui ai entendu dire en son beau et simple langage, précise Gustave Geffroy, comment il avait vécu cette existence de travail, accomplissant chaque jour sa tâche, ajoutant sans cesse, allant devant lui. »
Références bibliographiques
Jérome-Schotsmans, M., 2012. Constantin Meunier, Sa vie, son œuvre. Olivier Bertrand Éditions.