Arthur Craco
(Bruxelles 1869 - Bruxelles 1955)
Religieuse
Crayon sur papier
Signature en bas à gauche : Art. Craco
Inscription en bas à droite : Tête d’expression à la rencontre de Jésus
Circa 1890
300 x 240 mm
Œuvres
Catalogue
Biographie
Arthur Craco est un artiste belge né de parents modestes à Bruxelles en 1869. Céramiste, sculpteur, dessinateur et graveur belge, il est reconnu comme l’un des artistes majeurs dans la céramique de l’Art nouveau en Belgique. Classé parmi les artistes incompris, son art est omniprésent dans le paysage urbain bruxellois : le Puits de la Margelle à la Place Fernand Coq, Saint Joseph et l’Enfant Jésus à la Basilique de Koekelberg, Le Lierre au Jardin Botanique, Tharcisius ou le Monument dédié à l’Abbé Kennarerts à Watermael-Boitsfort. Il est également possible d’apercevoir quelques unes de ses œuvres dans le Hainaut avec Les sept douleurs de la Vierge et surtout à Andenne où subsistent encore de nombreuses œuvres telles que les Fontaines aux chats, aux chimères et aux faisans.
Après s’être inscrit aux études d’ingénieur, Craco abandonne son cursus pour se consacrer à son unique passion : la sculpture. Entre 1885 et 1887, il suit le cours de sculpture d’après modèle antique à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Il aurait ensuite intégré successivement les ateliers de Constantin Meunier et de Thomas Vinçotte. Dès cette période, on fait déjà mention d’Arthur Craco en tant que sculpteur car il aurait proposé à Félicien Rops de faire son buste dans le courant de l’année 1886. Cet événement indique alors que Craco s’intègre déjà auprès de grandes figures artistiques du courant symboliste.
C’est pourtant en tant que graveur qu’il fait ses premiers pas dans le monde de l’art. Il montre très tôt un grand intérêt pour la gravure et c’est avec l’une d’entre elles, La Légende de Sainte-Gertrude, qu’il expose pour la première fois au Salon triennal de Gand en 1889, puis au Salon de Bruxelles l’année suivante. L’artiste développe d’emblée un sens du dessin épris d’une grande naïveté qui ne manque pas d’émouvoir le public bourgeois. Au tournant des années 1890, l’artiste s’essaie également au théâtre comme acteur et puis comme régisseur, notamment au sein d’institutions comme le Théâtre Molière ou encore le Théâtre Royal du Parc à Bruxelles. Il s’inscrit en outre à des cours de théâtre au Conservatoire Royal de Bruxelles. Cette période contribue vraisemblablement à l’élaboration des thèmes qu’il aborde dans ses créations artistiques.
En 1892, Arthur Craco fait ses premiers pas dans la gravure à l’eau-forte. La même année, il organise une exposition personnelle à Bruxelles, puis à Anvers. Celle-ci attire déjà l’attention de la critique artistique et relève un attrait particulier pour l’art du Moyen Âge, les sujets religieux et une forme de primitivisme. Il y présente plusieurs œuvres religieuses dont un dessin de la Vision du Christ au carcan. Relevant à nouveau d’un primitivisme chrétien proche de certaines créations des Nabis, le dessin à la mine de plomb met en scène quatre anges ailés entourant un Christ de souffrance flanqué de quelques apôtres, dans une facture dépouillée et simplifiée. Un an plus tard, il associe ce même dessin à un projet de maître-autel et le présente au Salon Triennal de Bruxelles. Son projet, alliant la peinture, la sculpture et l’art du vitrail, fait scandale et est refusé. Il sera toutefois présenté l’année suivante à La Libre Esthétique. Cette première exposition au Salon Triennal de Bruxelles est décisive pour Arthur Craco et pour de nombreux artistes symbolistes. Si l’année 1893 est celle durant laquelle l’artiste s’affirme progressivement, il acquière également une certaine renommée car il est appelé à participer à l’élaboration d’une sculpture pour le projet d’embellissement du Jardin Botanique : La Lierre. Dans ce travail, une femme est entièrement drapée de lierre et un lévrier est couché à ses pieds ; il semble y incarner le mythe de l’éternel retour et fait de cette œuvre une création incontestablement symboliste. La même année, Craco devient membre de la Société des aquarellistes. L’artiste a également des contacts privilégiés avec une avant-garde bruxelloise qui fut sans doute le berceau du symbolisme ; lié à Maus, Khnopff, Rops, Delville, il y côtoie les grands noms et parvient à se faire une réputation.
Craco participe par ailleurs au renouveau de la sculpture chryséléphantine, il est l’un des seuls sculpteurs à présenter un style essentiellement symboliste. En 1894, il expose Vision à l’exposition universelle d’Anvers. Dans cette sculpture, un visage féminin serein et dépouillé en ivoire est enrobé jusqu’à la quasi-absorption d’une draperie faite de lignes végétales ondulantes en bronze doré, de telle sorte que l’ensemble figure une femme-fleur. Orchidée, présentée en 1897, se situe dans son prolongement, bien que plus abstraite encore. Ces œuvres étonnent pour l’époque car elles sont imprégnées de symbolisme. Elles reflètent pourtant un artiste très en avance sur son temps. Dans sa jeunesse, Craco est aussi l’un des maîtres de l’Art Nouveau, style qui se développe en Belgique à la fin du 19e siècle. Dans son œuvre, c’est la dualité entre le minéral et l’animal, entre l’humain et l’extra-humain, entre l’être et le néant, qui est de mise. Sa contribution au mouvement, entre la céramique, les vitraux ou la sculpture chryséléphantine, est considérable. A cette époque, l’artiste devient membre de la Coopérative artistique, société créée par plusieurs artistes dont Jean Delville et Jules du Jardin. Cette société a pour but de fournir aux peintres les matériaux – toiles, couleurs – à des prix accessibles. Cette initiative est importante à une époque où les artistes, souvent en rupture avec leur milieu familial, vivent dans un dénuement complet.
Toute sa vie, Craco est marqué par une grande naïveté de composition et par une pureté des couleurs que ses émaux vont radicaliser. Attiré naturellement vers le symbolisme et les sujets ésotériques, il est très proche des milieux mystiques et idéalistes comme Kumris. Il y expose à deux reprises aux côtés de Delville, Montald, Frédéric ou encore Minne. Ses illustrations sont empreintes d’un mysticisme qui appelle à la quête de l’Idéal, où l’expression de l’idée l’emporte sur la représentation de l’image. Vers 1896, Craco se retire dans une maison de Boitsfort où, pendant deux ans, il s’attache à produire ses premières céramiques. Il y travaille peut-être avec Omer Coppens, dont il reprend certaines formes comme les bosselages concaves typiques de son travail artistique. En 1898, Craco présente ses premières productions au foyer du Nouveau Théâtre, puis au troisième Salon d’Art idéaliste. Il y expose son Roméo et Juliette, où les baisers des deux amants enlacés confine à la quête d’un idéal absolu et d’un monde dégagé des contraintes extérieures. Il y reçoit également les encouragements d’Edmond Picard et de Camille Lemonnier.
De 1898 à 1908, Arthur Craco s’associe à un potier de Rebaix : Émile Eugène Declercq. Rebaix est un vieux centre de production artisanale de pots utilitaires où l’on tournait et cuisait de génération en génération. Declercq possède la technique et les infrastructures, Craco détient la plastique innovatrice. Dès cette époque, la production de Craco prend une double orientation. Le première, marquée par l’Art Nouveau, donne aux vases les formes florales de l’orchidée, de l’iris ou de la passiflore. Les émaux, souvent utilisés en camaïeu de vert, sont appliqués à la coulée, donnant aux formes l’impression d’un jaillissement végétal quasi organique. Le second style, très proche de celui de Willy Finch, est l’apanage de vases plus modernes aux formes stylisées, dont l’épure contraste avec la sinuosité des coulées émaillées. A côté de ces deux approches, Craco produit aussi plusieurs céramiques aux décors incisés. A l’exposition générale des Beaux-Arts de Bruxelles de 1907, Craco présente une grande partie de sa production de céramiques. Elle se compose non seulement de vases avec oxydes de pâtes et coulées d’émaux flammés, mais aussi de vases incrustés de pâtes de verre. En 1909, Craco s’établit à Ledeberg pour pouvoir travailler dans la fabrique de céramique de Frédéric Horta. Certaines œuvres sont par ailleurs signées du nom des deux artistes.
Très vite, le Symbolisme et l’Art Nouveau deviennent des styles honteux[1], ignorés du public. Craco n’échappe pas à ces hasards de l’histoire ; il fait comme nombre de ses contemporains et se réfugie dans l’art monumental destiné à des commandes souvent religieuses. Les années de guerre ne font qu’accentuer le dénuement matériel et financier de l’artiste, sa production diminue. Après la Première Guerre mondiale, les Établissements Eugène Losson & C° à Andenne invitent Craco à venir travailler dans leurs usines. Andenne, ville d’une importante tradition de céramique, offre à Arthur Craco une terre bon marché qu’il utilise, non seulement pour ses grès cérames mais aussi pour ses commandes d’œuvres monumentales. Là-bas, il réalise de très beaux grès aux formes épurées décorés de coulées d’émail. Si les décorations, souvent incisées, trouvent leur origine dans les arabesques de l’Art Nouveau, elles préfigurent déjà les ornements stylisés de l’Art Déco. Craco réalise également plusieurs fontaines au grès pour des jardins de particuliers. Cette production a recours à un bestiaire animal, à la fois pastoral et fantastique, d’une grande inventivité. Dans la petite ville wallonne, il découvre l’argile souple avec laquelle il peut exprimer son aspiration de jeunesse vers la liberté et la justice. En opposition avec l’académisme et défenseur passionné de l’Art Nouveau, Craco s’attaque à l’hypocrisie et à la vanité de l’autorité qui exploite les gens simples. Ainsi, il réalise des masques, des animaux où l’on reconnait la face caricaturale de personnages connus, des fontaines, des objets utilitaires comme des plats, chandeliers, presse-livres, pots à fleurs sur socles, etc.
La production de céramiques de Craco est à nouveau en avance sur son temps, d’une grande originalité, mais ne connait pas l’essor économique espéré. Lui, qui aspire à ce que l’Art Nouveau envahisse l’entièreté des objets décoratifs pour aboutir à un art total, est confronté à la dure réalité ; ses créations ne peuvent être reçues et comprises que d’un public initié et averti. Même s’il est protégé par d’influents mécènes, Arthur Craco n’est jamais sorti d’une pauvreté tenace qui le condamne à vivre de modestes subsides qu’il quémande à l’État. Craco, dont le port trahit pourtant la tenue d’un homme bien né, est un artiste proche du peuple et de ses préoccupations. Il se passionne pour les animaux, chevaux, coqs, faisans, perroquets, dont il tirait les sujets pour des gravures, des dessins ou même des vide-poches en céramique. Arthur Craco mérite amplement sa place dans l’histoire de l’art belge. En plus d’avoir une production conséquente et variée, il s’adapte à de nombreux matériaux tels que le marbre, le bronze, l’ivoire et le verre. Durant sa carrière, il s’illustre surtout dans une volonté de renouveler l’art de la céramique en Belgique. Il fait partie de ceux qui ont forgé la tradition artistique belge.
Références bibliographiques
Clerbois, S. & De Paepe, J., 1998. Arthur Craco (1869-1955) : Un Maître de l’Art Nouveau. In Chroniques de Watermael-Boitsfort, Bullettin de groupe : Histoire et Sciences à Watermael-Boitsfort, n° 11 - mars 1998.
Clerbois, S. (dir.), s.d. Céramistes de l’Art Nouveau. Saint-Gilles : Musée Horta.
Jadoul, E., 2017. Contributions à l’étude de la sculpture chez Arthur Craco (1869-1955). Faculté de Philosophie et Sciences sociales, Département d’Histoire, Arts et Archéologie (ULB). [Mémoire]
Piron, P., , 2003. Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècle. Ohain : Art in Belgium.
Schoonbroodt, B., 2008. Artistes belges de l’Art nouveau (1890-1914). Bruxelles, Éditions Racine.
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