Léon Devos
(Petit-Enghien 1897 - Précy-sous-Thil 1974)
Émilie au chemisier rose
Huile sur panneau
Signature en bas à droite : LEON DEVOS
Circa 1948
60 x 50 cm
Œuvres
Biographie
Léon Devos nait le 24 mars 1897 dans une famille ouvrière à Petit-Enghien, lieu situé à la frontière linguistique. A la mort de son père survenue en 1905, sa mère s’installe à Haine-Saint-Pierre avec leurs quatre enfants. Léon Devos passe toute sa jeunesse en Wallonie ; il fréquente l’école primaire de Fayt-lez-Manage où il manifeste très tôt une irrésistible attirance pour le dessin et le maniement des couleurs. Lorsqu’il atteint l’âge limite de la scolarité légale, sa mère l’envoie travailler dans une Industrie de construction métallique de la région. Comme bon nombre d’enfants ouvriers, il devient apprenti-mécanicien. Le 4 août 1914, il s’engage volontairement dans l’armée belge comme fantassin de première heure. Le 19 août 1919, il est démobilisé et reprend le travail. La fin de la guerre le décide définitivement à prendre le chemin de l’Académie des Beaux-Arts. Durant six mois, il suit les cours d’Alfred Duriau, Charles Caty et Émile Motte à l’Académie des Beaux-Arts de Mons. En 1921, il participe pour la première fois au Salon d’Octobre des Amis de l’Art de la Louvière, cercle fondé par Anna Boch en 1909. Il part ensuite à l’Académie de Bruxelles, où il reçoit l’enseignement des symbolistes Jean Delville et Constant Montald. Il y travaille avec acharnement pendant deux ans. En 1922, il obtient la médaille d’or et, en 1923, le premier prix avec distinction qui couronne son apprentissage en Académie. Il trouve ses modèles dans son entourage proche ; il représente souvent ses amis et son amie Emilie, rencontrée pendant ses années d’étude. C’est là aussi qu’il fait la connaissance de Léon Navez. Une profonde amitié jaillit spontanément entre eux et se poursuivra jusqu’à leur mort.
Il quitte définitivement le Hainaut pour installer son atelier à Bruxelles. Léon Devos veut être libre, il ne souhaite pas être à la merci des modes, des commandes et des marchands de tableaux. Tout en travaillant à son art, il exerce divers petits métiers qui lui permettent de préserver son indépendance : travaux pour des ateliers de décoration ou des étalages de grands magasins, agent d’assurance, … Mais il n'est pas homme à rester longtemps à la même place. Paris l'attire ! Il part s’y installer avec Emilie, sa compagne et sa muse, de 1926 à 1928. Léon Navez les rejoint. Selon les amis de Léon Devos, le charme bohème de cette nouvelle aventure parisienne contribue à l’éclosion de son talent. Il visite fréquemment le musée du Louvre, le salon des Impressionnistes et les galeries parisiennes. Au contact des grands maîtres, Devos achève son éducation de peintre ; il acquiert le goût de la beauté plastique, le sens de la couleur qui anime la lumière particulière baignant les quais de la Seine, les quartiers légendaires et les perspectives majestueuses des grands boulevards. Avec son ami Léon Navez, il entre dans un atelier de décoration spécialisé dans l’exécution de tableaux à la manière de Watteau et de Fragonard. Ils se font ensuite engagés à l’Institut de Gravure. Léon Devos compose d’innombrables dessins et projets pour des billets de banque, titres de sociétés, obligations d’État et timbres pour divers pays d’Europe et de colonies. C’est en 1927 qu’il crée le célèbre timbre de Stanley pour la Belgique. Parallèlement à cela, il envoie une grande composition décorative à la Triennale d'Anvers. Les critiques les plus attentifs remarquent ce nouveau nom. Devos s’impose d’abord par le dessin, par un sens aigu du contour, des traits qui cernent les visages et les corps. II a une volonté irrésistible de s'emparer des êtres et un goût cartésien de la définition. D'un coup d'œil, il voit comment ordonner un ensemble. Mais il n'y a pas que le dessin et la composition : dès le début, Devos s'impose par la finesse de sa couleur. « La couleur est de la lumière qui souffre. » Sa couleur est saine, franche et appétissante. Comme il ordonne ses objets, il ordonne ses couleurs, il les fait se confronter. En 1928, la naissance de leur première fille Monique ramène le couple à Bruxelles. La même année, Léon Eeckman fonde avec Anto Carte et Louis Buisseret le cercle artistique Nervia. D’autres peintres wallons se joindront rapidement à la famille des Nerviens : Frans Depooter, Léon Devos, Léon Navez, Pierre Paulus, Rodolphe Strebelle, Taf Wallet et Jean Winance. Dans un esprit de soutien aux plus jeunes artistes, Nervia propose un pendant au groupe Laethem-Saint-Martin qui prospérait dans les Flandres et était le seul visible au-delà des frontières belges.
« L’artiste Nervien veut communiquer son émotion et son bonheur devant le spectacle de la vie. Par rapport à l'école expressionniste, on peut dire que les Nerviens préfèrent le chant au cri, la raison à l'instinct. Un certain idéalisme contient leur lyrisme. »
Léon Devos joue un rôle considérable dans le groupe par sa participation aux expositions, mais aussi par l’originalité de son art ; il est d’une nature différente, il est attiré par une picturalité pure faite de modelés ouateux, de pâtes grasses et de volupté, dont la chaleur et la sensualité s’imposent sans détour. Son œuvre apparait déjà à cette époque dans toute sa singularité. Au sein d’une Nervia souvent désincarnée, Devos est donc le sensuel gourmand pour qui la peinture est avant tout une sensation et des couleurs. Tous ses thèmes de prédilection sont déjà présents : nus, scènes d’intérieurs, portraits, natures mortes, paysages. Parfois teintés d'expressionnisme dans les débuts du groupe, les nus évoluent vers un aspect toujours plus charnel et cotonneux. La pâte, écrasée à la brosse, leur donne une sensualité, à laquelle un fin cerne noir soulignant les contours en un léger décalage, apporte l'élégance et le galbe de la silhouette. Le modelé accroche la lumière qui fige et fond le modèle dans une sorte d'aura. Une atmosphère mystérieuse s'en dégage, qui rappelle l'héritage symboliste de ses maîtres. En 1936, Léon Devos s’offre un voyage en Espagne. Il revient avec des natures mortes espagnoles, des vues de Salamanque et de la vieille Castille qui évoquent admirablement la simplicité nue de cette terre brûlée de soleil. À côté de paysages réalistes, il livre des vues sensibles du monde qui l'entoure. Les natures mortes aux tons francs parlent du goût extrême du peintre pour les descriptions sensuelles du monde muet des objets. Nervia lui donne l'impulsion nécessaire au développement de sa carrière, sans jamais l'empêcher de suivre sa voie. Il prend part à de nombreuses expositions d'autres groupes, soit comme invité, soit comme membre : Pour l'Art (Bruxelles), Als-ik-kan (Anvers). Par ailleurs, les années d'entre-deux-guerres marque pour lui le temps des premières expositions personnelles. Devos ne cherche pas être moderne : il veut être vrai. Et si, par moments, le découragement risque de l'atteindre, il pense avec Odilon Redon : « Les grandes œuvres traversent le temps, rayonnantes et paisibles ; autour d'elles, lentement, la vérité s'élabore à travers les obstacles mis par l'actualité autour de leur puissance. » Pendant plus de vingt ans, il nage contre le courant. Sa sensibilité s’affine et la période de 1934 à 1937 est celle où Devos s’exprime le mieux dans la représentation des nus ; ils n’ont jamais été aussi lumineux et épanouis. En 1937, Milie et Léon accueillent leur deuxième fille Nicole. L’année suivante, le groupe Nervia met officiellement fin à ses activités. Chaque peintre fera dorénavant cavalier seul, tout en conservant une profonde et solide amitié « nervienne ».
En 1939, il effectue un long voyage en Orient. Avec son ami le journaliste José Gers, il s’embarque à bord d’un cargo marchand, visite l’Italie, le Maroc, l’Égypte, la Syrie, le Liban. Plus tard dans l’année, Léon Devos devient professeur de peinture décorative à l'Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, avant d'être chargé d'enseigner la peinture et le dessin d'après nature. Il enseigne les éléments de la connaissance par l’entraînement constant de l’œil et de la main, une forme ne pouvant passer du conscient à la mémorisation qu’après en avoir fouillé les creux, les reliefs et les lignes enveloppantes grâce à des exercices réfléchis et répétés. « Il faut apprendre à l'élève ce qu'est la forme, la technique sous tous ses aspects. Cela n'exclut pas sa liberté de vision, tout autant dans la forme que dans la couleur. » Les années 1940 sont pour Devos un temps de recherche. Il réalise sept petites sculptures en plâtre, en terre cuite et en bronze qui auraient pu inaugurer un nouveau versant dans son œuvre. Bien qu'elles soient exposées à la Galerie Georges Giroux, elles ne constituent qu'une expérience plastique isolée, mais d'une qualité indéniable. À la fin de cette décennie, la couleur s'éveille, les tons purs font leur apparition et bariolent sa toile d'éclats multiples, d'oppositions à la fois criantes et complémentaires. Les sujets traversés par des vibrations lumineuses remplacent la plasticité plus froide et virtuose d'avant-guerre. Devos, mûri, s'est libéré des harmonies classiques pour éclore en une peinture solide, audacieuse et palpitante. De 1948 à 1951, il assume la prestigieuse charge de directeur de l'Académie de Bruxelles tout en gardant ses cours.
Les années 1950 voient l'émergence de nouvelles couleurs et de lumières franches : celles du Midi et d'un ciel nouveau. Vous ne pouvez imaginer combien tout est beau là-bas. La lumière renouvelle tout. Tenez, ce portrait de ma femme, je n'aurais pu le faire nulle part ailleurs... » Peu à peu, il prend la place de chef de file des peintres wallons, plus particulièrement de l’école montoise qui privilégie la figure humaine. Les consécrations officielles sont nombreuses. Il est membre de plusieurs cercles artistiques : Pour l’Art, Bon Vouloir, Orientations. En 1950, il obtient le prestigieux Prix du « Garden Club » pour Bouquet de juin à la 38e Exposition internationale de Peinture au Carnegie Institute (Pittsburg, USA). Ses œuvres figurent en bonne place dans la plupart des grands musée d'Europe et d'Amérique et rencontrent toujours la significative admiration du public à l’étranger comme en Belgique. La même année, il fonde le groupe Présences avec les peintres Jacques Maes, Léon Navez et le sculpteur Fernand Debonnaires. En 1951, le jaune, quasi absent jusque-là, gagne sa palette. Il s'engage dans des tons plus purs et plus sonores. A cette époque, Léon Devos est choisi pour exécuter un vaste tableau d'histoire qui représente la Prestation de serment du Roi Léopold III. Le tableau historique est accroché au Parlement et représente la cérémonie regroupant cinq cents personnes sur une toile de 4m50 sur 2m80. Les critiques proclament : « Léon Devos est un grand peintre, dans la signification totale de ce mot. » En 1957, il devient membre de l'Académie royale de Belgique. Dix ans plus tard, à l’occasion de son 70ème anniversaire, une grande rétrospective de son œuvre est organisée à Namur et puis au musée des Beaux-Arts de Mons. Durant les innombrables expositions auxquelles l’artiste a participé, les critiques sont toujours unanimes. Robert Liard déclare : « Visiter une exposition des peintures de Léon Devos, c’est prendre un bain de jouvence. » Le 18 avril 1974, au retour de vacances de Pâques dans le Midi de la France, Léon Devos meurt d’une crise cardiaque à Précy-sous-Thil. Il est alors âgé de 77 ans.
Références bibliographiques
Bodart, R., 1952. Monographie de l’Art belge : Léon Devos. Anvers : De Sikkel.
Camus, G., 1983. Notice sur Léon Devos. Bruxelles : Académie royale de Belgique.
Devos, mon père. Rencontre avec Nicole Everard de Harzir, fille cadette de Léon Devos. Témoignage à bâtons rompus de celle qui fut aussi son élève à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles.
Durieu, P., 1979-1980. Monographie du peintre Léon Devos (1897-1974). [Mémoire Université Libre de Bruxelles]