- Le chemin de croix
Le chemin de croix
Encre de Chine sur papier
Signature et date en bas à droite : CH : DOUDELET. – MCMI.
1901
350 x 570 mm

Charles Doudelet

(Lille 1861 - Gand 1938)
  - Le chemin de croix
Le chemin de croix
Encre de Chine sur papier
Signature et date en bas à droite : CH : DOUDELET. – MCMI.
1901
350 x 570 mm

Biographie

Charles Doudelet est un artiste peintre, illustrateur, graveur et scénographe belge né le 8 février 1861 à Lille. Fils d'un ouvrier textile, il n'a que seize ans lorsque son père décède. La famille déménage alors à Gand. Coursier dans une fonderie de bronze, dessinateur à la compagnie des eaux et assistant du photographe Edmond Sacré, Doudelet étudie, en cours du soir, la musique au Conservatoire, le dessin décoratif à l'École industrielle et le modèle vivant à l'Académie. Sacré le recommande à l'université comme dessinateur ; il y réalise des dessins anatomiques ainsi que des dessins de médecine légale et de vues au microscope qui lui valent des médailles d'or et d'argent à Bordeaux et à Paris. En 1887, il organise une première exposition individuelle intitulée Scènes grecques et arabes. Celle-ci fait l'effet d'une bombe dans la scène artistique gantoise qui est entièrement tournée vers le réalisme. L'émoi est tel que la Ville de Gand lui accorde une bourse d'études de trois mois à Lille et à Paris, puis de nouveau trois mois à Turin et à Florence. Il y découvre les artistes de la Renaissance italienne : Giotto, Fra Angelico, Bellini, le Pérugin, Botticelli, Brunelleschi, Donatello, Piero della Francesca, qui ne le quitteront jamais et façonneront le cours de son existence.
En 1890, il concourt au Prix de Rome de gravure. Aucun lauréat n'est désigné cette année-là, mais le juré Constantin Meunier le remarque. Il le fait entrer dans son atelier et lui conseille de se mettre à la peinture. Doudelet expose sa première toile au Salon de Gand en 1892. Dans la salle où son tableau est accroché, il fait la connaissance de Louis De Busscher. Celui-ci l'invite à rejoindre son cercle, gravitant autour de la revue littéraire progressiste : Le Réveil. Au sein de ce cercle, Doudelet rencontre Grégoire Le Roy, George Marlow, Albert Guéquier, Charles Van Lerberghe, mais aussi et surtout Maurice Maeterlinck, avec qui il noue une profonde amitié. La rédaction s'agrandit toujours d’auteurs tels que Georges Rodenbach, Camille Lemonnier, Émile Verhaeren et Georges Eekhoud. Aux illustrations, Doudelet est rejoint par Théo Van Rysselberghe, George Minne et Henry Van de Velde. En 1893, il est invité à participer à l'exposition annuelle du Groupe des Vingt. Chaque jour ou presque, Doudelet rejoint Maeterlinck au café Albion, ils se promènent longuement au bord des rivières et des canaux de Gand, discutent d'art et de philosophie. Pour son nouveau recueil de poésie Douze chansons, Maeterlinck fait prépublier quatre de ses Chansons dans la prestigieuse revue allemande Pan et fait appel au talent de Doudelet pour les illustrer. Pour chaque poème, il réalise une grande illustration et une vignette de clôture. Entre-temps, Doudelet est remarqué par Pol de Mont, rédacteur en chef de la revue d'art et de littérature De Vlaamsche School publiée par J.-E. Buschmann à Anvers. Il devient l'illustrateur et le graphiste attitré de la revue. Cette collaboration donne naissance à quelques-uns des livres les plus magnifiquement illustrés jamais publiés en Flandre : Dat Liedeken van Here Halewijn et surtout Beatrys, régulièrement cité comme « l'un des plus beaux livres Art nouveau flamands ». Doudelet n'a plus d'emploi fixe, il vit désormais au jour le jour de ses travaux de dessin à l'université, de la vente des œuvres qu'il expose aux Salons du Champ-de-Mars à Paris et aux Salons de La Libre Esthétique à Bruxelles, ainsi que de ce que lui rapportent ses illustrations. L'atelier de verrerie qu'il fonde avec Franz Melchers en 1898, à Veere aux Pays-Bas, ne rencontre pas non plus le succès et l'aventure prend fin au bout d'une année environ.
L'œuvre théâtrale de Maurice Maeterlinck excite sa curiosité ; il veut apprendre la scénographie, concevoir des décors de théâtre. En outre, Doudelet se plonge longuement dans l'étude des miniatures flamandes, des primitifs flamands et des artistes italiens du Quattrocento, tout en étant également fasciné par les préraphaélites anglais. Il repense alors avec nostalgie à la bourse que la Ville de Gand lui avait accordée et rêve d'approfondir ses études. Il aspire à faire des recherches sur l'histoire du livre. En 1899, il entre dans la loge libérale gantoise La Liberté. Un an plus tard, il est franc-maçon à part entière. Son voyage d'études en Italie lui est promis. En attendant, il se rend à Mons où il orne de fresques le temple local et collabore à la revue maçonnique L'idée libre. Puis, enfin, arrive le sésame libérateur : une bourse de quatre ans d'études en Italie ! En 1902, Doudelet prend en toute hâte le chemin pour Florence. Avec sa mère, il loue un appartement dans un ancien palazzo. La bibliothèque nationale, la bibliothèque Laurentienne, la bibliothèque Riccardiana et la bibliothèque Marucelliana sont à quelques pas et toutes recèlent de trésors inestimables pour ses études. Il rencontre Henry de Groux, qui séjourne également à Florence et offre à Doudelet l'opportunité de s'intégrer rapidement au milieu artistique florentin et de participer à des expositions. À Florence, il fait la connaissance de Maria Van der Kellen, une jeune femme d'origine néerlandaise qui a étudié la musicologie à Paris et vit à présent avec son frère dans la cité toscane afin de poursuivre ses études universitaires. Ils se marient en 1906 et s'embarquent pour une lune de miel de plusieurs mois, visitant partout musées et bibliothèques, sans oublier l'infrastructure théâtrale de Berlin, Londres, Paris, Lisbonne et Madrid. L'étude de Doudelet sur l'histoire du livre prend de l'ampleur. Il ne cesse d'élargir son champ de recherches. Une étude générale de l'objet livre ne lui suffit plus : il se plonge en parallèle dans l'évolution de tous les domaines connexes possibles, tels que les différents supports, les reliures, l'apparition des caractères, la mise en page, les marges, les ornementations, les formes d'illustration... Sur le plan personnel, tout lui sourit à présent. Grâce au soutien financier de sa belle-famille, Doudelet achète une belle villa à Antignano, un village au sud de Livourne. La période la plus heureuse de sa vie est sur le point de s'ouvrir. Avec Maria, il a eu deux filles et un fils. Le radieux ménage mène une sorte de vie de château sous le soleil méridional. À Florence, Doudelet assiste à une conférence du Sâr Joséphin Péladan ; les principes de sa loge rosicrucienne l'enthousiasme. Il fonde alors une loge de la Rose-Croix à Livourne, avec des réunions régulières d'artistes au caffè Bardi, qu'Amedeo Modigliani rejoint fréquemment. Doudelet achève ses travaux sur l'histoire du livre vers 1910. Il sont collectés dans un manuscrit, rédigé en français, de 842 folios, accompagné d'une série de 125 classeurs renfermant plus de deux mille illustrations sur feuillets mobiles. Doudelet l'intitule La Beauté du livre. La quête d'un éditeur débute. Le perfectionnisme éperdu de Doudelet constitue, cependant, un obstacle majeur : aucun détail intéressant ne peut être omis, aucune digression supprimée, pas un point ne peut manquer sur un « i ». Les éditeurs reculent devant l'ampleur de l'ouvrage. Albert Ciamberlani, collègue de Doudelet, met tout en œuvre pour obtenir une intervention financière du ministère afin de permettre la publication du livre, mais sans succès. Lorsque la première guerre mondiale éclate et que la Belgique est envahie par l'Allemagne, le projet est totalement abandonné.
L'Italie est également impliquée dans le conflit et le marché de l'art s'effondre. Pour survivre, Doudelet doit hypothéquer sa maison, tirant désormais ses seuls revenus de conférences sur Léonard de Vinci, Eugène Delacroix, Gustave Moreau, Jan Van Eyck, Félicien Rops et d'autres artistes. Tandis que sa famille reste à Antignano, Doudelet part s'installer à Rome et y écrit l'ouvrage L'Art de se faire une tête : un manuel complet du théâtre sous toutes ses formes. En 1916, il organise sa plus grande exposition individuelle à Rome. Avec plus de 250 œuvres exposées, c'est un succès commercial. Un an plus tard, l'artiste tente de répéter l'exploit avec une autre grande exposition à Rome, où il met l'accent sur ses œuvres à caractère ésotérique. Si elle marque un apogée artistique pour Doudelet, cette exposition est malheureusement un échec commercial. À la fin de la guerre, il devient directeur artistique et scénographe de la nouvelle société cinématographique italienne Rinascimento, où il réalise des films pendant cinq ans. Doudelet se retrouve à nouveau sans emploi. Il est contraint de vendre sa Villa Medusa à Antignano et tente de gagner un revenu régulier comme illustrateur à temps plein pour l'éditeur Claudio Argentieri. Entre-temps, Mussolini est arrivé au pouvoir en Italie. Charles Doudelet fait ensuite ouvertement l'objet d'attaques personnelles dans la presse pour son statut de non-Italien. Peu après, la politique de préférence nationale menée par Mussolini prive Doudelet de toute opportunité de travailler. Il décide alors de quitter l'Italie et de s'installer à Gand. Il loue une belle maison dans la rue Saint-Amand, où il fait venir sa famille. La famille n'est que brièvement réunie à Gand car Maria meurt moins d'un an après leurs retrouvailles. Doudelet n'est plus tout jeune et, devenu veuf, il se retrouve seul avec trois jeunes enfants. Ses anciennes relations en Belgique se sont étiolées. Doudelet tente d'organiser des expositions au Cercle artistique et littéraire de Gand et dans diverses galeries gantoises, ainsi qu'à Bruges et à Anvers, mais sans jamais rencontrer le succès. En 1934, par l'intermédiaire de Marie Lievevrouw-Coopman, pour qui il avait illustré des livres auparavant, il devient professeur à temps partiel de maquillage à l'École royale de théâtre Oscar De Gruyter. Il est alors âgé de 73 ans. Si ce poste lui assure, certes, des revenus, ceux-ci sont néanmoins extrêmement modestes. Que l'œuvre de sa vie, La Beauté du livre, reste toujours inédite continue de le tarauder. En 1936, il conçoit l'idée de proposer son ouvrage à l'école d'imprimerie d'art Onze-Lieve-Vrouw de Gand. La composition et l'impression pourraient y être réalisées par les étudiants à titre d'exercice pratique. Hélas, la tâche est beaucoup trop vaste et complexe. Cependant, le frère Edwaard éprouve un immense respect pour Doudelet. Il ne peut se résoudre à abandonner l'artiste et lui propose de publier son livre par fascicules dans la revue Grafiek. Doudelet s'accroche à ce dernier espoir et s'attelle immédiatement à la traduction en néerlandais de son manuscrit. Il voit les premières parties de son livre publiées dès 1937 ; le dernier fascicule paraîtra en 1972. L'ensemble des publications dans Grafiek correspond aux 426 premières pages du manuscrit de Doudelet, sur un total de 842 pages de texte. Assister à la parution des premiers fascicules de La Beauté du livre l'a sans doute quelque peu apaisé. Cependant, sa santé s'est nettement dégradée dans l'intervalle et sa situation financière demeure précaire. Le 7 janvier 1938, Charles Doudelet s’éteint à l’âge de 76 ans à Gand.
 
Références bibliographiques
Boddaert, J., 2022. Doudelet, son œuvre et sa vie. Son œuvre est sa vie. In : Les Portes d’or. Charles Doudelet (1861-1938) et le symbolisme. Milano : Silvana Editoriale. Province de Namur : Musée Félicien Rops.