Rachel Baes
(Bruxelles 1912 - Bruges 1983)
Fleurs et fruits
Huile sur toile
Signature en haut à droite : Rachel Baes
Signature et titre au dos : Rachel Baes – Fleurs et fruits
Étiquette au dos : Rachel Baes Ec. belge contemporaine (fille d’Émile Baes) – Fleurs et fruits – n°632
Circa 1947
50 x 60,5 cm
Biographie
Rachel Baes est une artiste peintre et photographe surréaliste belge née le 1er août 1912 à Ixelles. Elle a toujours refusé toute appartenance à un groupe artistique affirmé, préférant la solitude de son univers fantasmagorique. Autodidacte, Rachel Baes commence la peinture à treize ans. Un an plus tard, la jeune fille demande à son père de disposer de son propre atelier dans la grande maison familiale. Admiré pour ses nus féminins néo-classiques, son père Émile Baes est Chevalier de l’Ordre de Léopold, Chevalier de la Légion d’Honneur, médaillé d’or au Salon de Paris et membre de l’Institut de France. Vers 1927, encouragé par son ami René Fauchois, il accepte d’aménager un espace de création pour sa fille. Dans la logique du 19ème siècle, Rachel Baes entre dans le monde de la peinture par la réalisation de marines, de paysages, de compositions florales ou encore de natures mortes. Elle le dit d’ailleurs elle-même dans un entretien : « Comme toutes les femmes qui se respectent, j’ai commencé à peindre des fleurs. » Un tableau tel que Jardin avec fleurs aux tons pastels et délicats et aux coups de pinceau lâches et libres illustre bien cette première période, proche de l’expressionnisme, et que Rachel Baes qualifie elle-même de période « choux fleurs ». Grâce à la réputation de son père, Rachel Baes obtient ses premières expositions à Bruxelles ; de nombreux diplomates, artistes et critiques sont présents lors des vernissages de ces petits salons. En 1933, ses compositions florales et autres natures mortes sont présentées à la Galerie Artès à Bruxelles. Rachel Baes a donc vingt ans pour sa première exposition dans une galerie bruxelloise, en dehors de l’atelier de son père. En janvier 1937, c’est la Galerie de la Toison d’Or qui permet au public bruxellois d’apprécier ses œuvres. Dix-huit tableaux sur les trente-cinq exposés portent un nom de fleur — Pivoine, Les Jacinthes, Roses — les autres mettant en scène un Homard ou un Samovar. A partir de 1939, Louis Manteau devient le marchand de Rachel Baes. Cependant, ce n’est qu’en 1942 qu’elle expose pour la première fois dans sa galerie au numéro 62, Boulevard de Waterloo. Le spectateur peut se rendre compte d’une certaine évolution dans l’œuvre de Baes. Les mêmes compositions fleuries, marines et paysages y sont présentés mais l’on note déjà une certaine tendance vers un monde plus féérique, plus empreint de sentiments et de mélancolie. L’enfant oublié, exposé en 1943, en est un des premiers exemples.
Mariée depuis 1931 avec Robert Leurquin, c’est en Joris Van Severen qu’elle trouve son âme sœur. Elle le rencontre en 1936, lors d’une des réceptions qu’elle et son époux organisent chez eux. Elle entretient avec lui une intense et profonde relation, jusqu’à ce qu’il soit exécuté en mai 1940. Dévastée, Rachel Baes finit par divorcer de Leurquin en 1944. Désormais indépendante, « libérée » de son rôle d’épouse (et sans enfant), mais surtout profondément meurtrie par la perte de son amant, l’artiste se replie sur elle-même et se tourne de plus en plus vers le Surréalisme qui, comme l’écrit Michel Hallers, l’aide à « contourner ce non-sens existentiel et apaiser la déchirure profonde qui la tourmente depuis ce jour de 1940 où elle perdit l’homme qu’elle aimait ». Cette mutation est signifiée par un changement de signature : Rachel baes sans majuscule. Enfin, grâce au poète Hermann Toussaint qui partage désormais sa vie, elle fait la connaissance d’Édouard Léon Théodore Mesens, Marcel Lecomte et René Magritte. La plupart de ses tableaux mettront dorénavant en scène des petites filles aux airs inquiétants, plongées dans des mondes mystérieux. L’univers de Rachel Baes est grinçant, de petites femmes-enfants émergent de souvenirs enfouis englués dans des couleurs ternes, prêtes à basculer dans le vide ou à s’adonner à de curieux jeux de tête en attendant le Prince charmant. Cette peinture d'un genre nouveau la rapproche des surréalistes belges et français, sans qu'elle se joigne à leur groupe de manière officielle. Lors d’un séjour à Paris en 1945, Rachel Baes rencontre Paul Éluard. Séduit par son travail, il organise une exposition de ses œuvres à la Galerie de Berri en 1946, l’accompagnant d’un petit poème. C’est ensuite à André Breton d’être fasciné par le travail de l’artiste belge, qu’il expose à l’Étoile scellée en 1953. Entre temps, René Magritte l’a choisie comme modèle pour son tableau Shéhérazade de 1947, avant de la mettre en scène dans un de ses films amateurs. L’année 1947 est également celle de la parution de sa première monographie, rédigée par Marcel Lecomte. Rachel Baes entretient donc cette dualité intrinsèque propre à la « femme surréaliste », à la fois muse et créatrice. Dès le milieu des années 1940, connue et reconnue par les surréalistes, aussi bien bruxellois que parisiens, c’est en tant que telle que son œuvre est présentée aux cimaises de plusieurs galeries privées dans les deux capitales.
Vers 1952, un renouvellement de l’œuvre de Baes se fait sentir alors qu’elle peint désormais essentiellement par séries, semblant de plus en plus accuser l’influence des « formules magrittiennes ». C’est ainsi que les dix-neuf tableaux exposés en 1957 à la Galerie Ex-Libris à Bruxelles sont entièrement dédiés au thème de la ville de Bruges où, suivant les pas de Hugues Viane, elle se retire en 1961. En 1968, une autre série est présentée au public bruxellois à la Galerie 44 lors de l’exposition Le Cabinet des philosophes. Seize tableaux portant des titres tels que Meurtre de Descartes par André Breton ou la reprise de l’inconscience ou Les Tics de Spinoza (L’Ethique) ou cogitata metaphysica mettent en avant les limites de certaines philosophies et dénoncent la vanité. Une fois l’amour de sa vie perdu, Rachel Baes préfère donc se retrancher dans un monde intérieur fait de rêves plutôt que de continuer à prêter attention au monde réel qui l’entoure . Ses rêves, elle les traduit en couleurs et les expose à nouveau en 1972 à la Galerie Robert Finck. Le public y découvre entre autres Le Silence des esprits et Les Rêves calculés. Enfin, en 1976, en lui consacrant une exposition digne d’une rétrospective avec septante-et-une toiles, la Galerie Isy Brachot tente de faire de Rachel Baes une icône du Surréalisme belge. L’impact sur le public amateur d’art bruxellois a dû être d’autant plus important qu’une seconde exposition dédiée à ses dessins, aquarelles, gouaches, projets et mastics a lieu presque simultanément à la Galerie La Marée, ouverte en 1974 par Tom Gutt et Claudine Jamagne. Après cette sorte d’ultime réunion de famille du milieu surréaliste bruxellois, Rachel Baes s’isole de plus en plus. Elle continue de peindre mais cesse d’exposer. Elle se replie petit à petit dans sa maison de Bruges, entourée de souvenirs et de tableaux.
Son réseau familial a donc bien été le déclencheur de sa présence au sein des galeries bruxelloises : ce n’est qu’après ses expositions chez son père qu’une galerie privée l’invite à exposer pour la première fois. Cependant, il semblerait que ce soit elle qui prenne le contrôle de la suite de sa carrière, se construisant son propre réseau, notamment par la fréquentation du milieu surréaliste, même si elle refusera toujours de s’y identifier pleinement, préférant évoluer en parallèle dans un monde intérieur qui lui est propre. Rachel Baes s'éteint dans la plus grande solitude en mai 1983. Elle est alors âgée de 70 ans.
Références bibliographiques
Pigeolet, V., 2017. Rachel Baes (1012-1983) et les galerie bruxelloises. Koregos : Revue et Encyclopédie multimédia des arts (sous l’égide de l’Académie royale de Belgique.
Lecharlier, V., 2002. Les archives de Rachel Baes. Archives et Musée de la Littérature. Textyles.