Éliane de Meuse
(Bruxelles 1899 - 1993)
Le noeud
Huile sur toile
Signature en bas à gauche : E de Meuse
Circa 1960
80 x 65 cm
Biographie
Éliane de Meuse est une artiste peintre belge née à Bruxelles le 9 août 1899. A quatorze ans, Éliane de Meuse s’initie au dessin avec Ketty Hoppe, l'épouse du peintre Victor Gilsoul. Ensuite, elle rencontre le peintre impressionniste Guillaume Van Strydonck, cofondateur du Groupe des XX et l'ami de James Ensor. C'est avec ce maître que la jeune artiste acquiert de solides notions de technique et d'indépendance. A l'Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, elle a d'autres professeurs exigeants : Jean Delville et Herman Richir. Moins sensible au symbolisme ésotérique de Delville, Éliane de Meuse s'attache à l'émotion spontanée de Richir, peintre de genre et de portraits où les soies et les velours sont traités à l'huile ou au pastel. En 1921, Éliane de Meuse obtient le prix Godecharle, une distinction considérable à l’époque. Il lui est décerné par un jury comprenant Albert Ciamberlani, Émile Claus et Armand Rassenfosse. Dans son rapport au ministre, le président du jury signale les qualités de style de la composition : « Cette toile se place à tous égards bien au-dessus de celles qui ont été soumises. Elle témoigne d’un véritable tempérament de peintre. Le coloris en est robuste tout imprégné de jeunesse et de naïve émotion. Enfin, qualité rare, l’œuvre a du style. C’est plus qu’une promesse, la vie s’y marque intensément. » L'artiste a alors vingt-deux ans, l'âge de la grande évasion offerte par le Godecharle : le voyage en Italie, le choc de toute une civilisation, l'éternel retour aux sources de la Renaissance. Plus tard, lorsqu'elle apparaît aux cimaises du Palais des Beaux-Arts, à la Fondation Carnegie de Pittsburgh ou au Salon Quadriennal d'Anvers, elle est immédiatement remarquée et louée. Pendant toute sa carrière, la distance qu'elle prend avec l'agitation de la vie artistique n'obscurcit en rien son travail. On peut dire qu'elle engrange avec confiance, et que sa joie suffit à sa peine. Elle est aussi assistée dans son cheminement par un compagnon éclairé, Max Van Dyck, qu'elle épouse en 1922, et dont la formation artistique a été couronnée par le prix de Rome. Voici donc un couple d'artistes aux dons si bien partagés que chacun s'exprime en toute liberté, avec l'estime de l'autre. Là également l'harmonie est efficace et constitue une philosophie de vie.
En 1936, l’historien d’art Gustave van Zype écrit qu’Éliane de Meuse saisit merveilleusement l'essentiel de la forme et de l'expression. Il ajoute que les natures mortes sont parées de splendeurs « amères » dans un décor de rêve. La jeune artiste occupe alors trois salles du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles ; elle y expose des fleurs traitées avec une grande liberté de facture, des draperies très colorées sont jetées sur une chaise d'atelier, des fillettes en robe blanche surgissent, ce sont autant d'instantanés savamment perçus. A son tour, Hubert Colleye, critique de La Métropole, est impressionné par les contrastes de cette peinture qu'il juge curieusement à la fois vigoureuse et floue : « De cette opposition voulue ou fortuite, naît un charme singulier qui indique la présence d'une personnalité. » Nous retrouvons chez Éliane de Meuse cette volonté de révéler son domaine privilégié, ses choix, une identité onirique qui unit étroitement le lyrisme de la couleur à la structure indépendante de la composition. A travers les pâtes chaleureuses, parfois évanescentes, cette mobilité extrême de l'inspiration veille à l'éclosion de la forme, à l'irradiation de la palette dont les accords ont comme une sonorité musicale. A la fin des années trente, Éliane de Meuse présente dans maints ensembles, est partout remarquée, en particulier au 46ème Salon des Beaux-Arts de Gand comme au Salon des XIV Femmes peintres à Bruxelles en 1937. La même année, elle participe à la grande exposition des Femmes artistes d'Europe au Jeu de Paume à Paris. Ce salon de prestige comprend notamment des œuvres majeures de Marie Bashkirtseff, Mary Cassatt, Maria Blanchard, Berthe Morisot, Suzanne Valadon et Marie Laurencin. L'entre-deux-guerres s'achève pour l'artiste sous le signe de la confiance, renforcée par sa présence à l'Exposition internationale de l'Institut Carnegie, à Pittsburgh (États-Unis), à l'exposition d'Art belge à Oslo en 1938, et à l'exposition du Travail à l'Hôtel de ville de Lille en 1939. Elle ne fait que quelques discrètes apparitions au cours des années de guerre. En 1947, Éliane de Meuse participe au centenaire du Cercle artistique comme violoniste ! Au cours de la cérémonie, elle interprète une page de Haydn. Elle consacre véritablement une part importante de ses loisirs à la musique ; avec son mari, elle a fait partie d'un quatuor. L'artiste dira fort joliment: « Lorsqu'il n'y a plus de lumière pour travailler les couleurs, je travaille mon violon. » Dans sa peinture, elle saisit les infinies nuances, les harmonise, comme s'il s'agissait d'accords de notes ; chez elle, tout est musical.
« Sur des frottis de couleur légère et nuancée, écrivait-il, elle compose, par des appels de tons purs - un rouge, un bleu - de brusques accords de sonorités majeures. » Richard Dupierreux
Bruxelles est alors un lieu de rencontre et d'amitié cher à tous ceux qui ont le goût de la musique, du chant, de la danse et de la poésie.
En 1952, le cercle La Gerbe d'Anderlecht organise à la Maison des artistes une exposition sur l'art des jardins, avec la participation de nombreux artistes particulièrement inspirés par les fleurs : Andrée Bosquet, Suzanne Cocq, Juliette Cambier et Éliane de Meuse qui expose un grand bouquet jaillissant. Il faut attendre 1981 pour découvrir une exposition individuelle de l'artiste à l'ancienne galerie Rencontre. Elle est là en pleine possession de ses moyens, avec cette fraîcheur d'âme qui confère à l'ensemble de ses œuvres une unité rayonnante. Il y a des accords de tons qui font songer à la résonance du cristal ou au parfum de la rose d'octobre. Le travail d’Éliane de Meuse s'étend sur une soixantaine années. Tous les genres ont été abordés, avec une prédilection pour la nature morte, souvent étudiée comme une escalade d'objets, de masques, de fleurs, de draperies, à moins qu'elle ne se développe à partir d'une chaise d'atelier ou de salon qui soutient un désordre apparent de formes et de couleurs. Elle peint des intérieurs, des nus, des coquillages, des portraits d'enfants et de jeunes femmes, éternelles références à l'espoir, à la jeunesse et à la beauté. Tout est exprimé dans un anticonformisme permanent : chaque tableau est une aventure. Le 3 février 1993, Eliane de Meuse s’éteint à Forest à l’âge de 93 ans.
Références bibliographiques
Caso, P., 1991. Éliane de Meuse. Bruxelles : Les Éditions Prefilm.